Blonde de Joyce Carol Oates - Chronique n°410

Titre : Blonde
Auteure : Joyce Carol Oates
Genre : Biographie (mais c'est plus compliqué que ça) | Contemporaine
Lu en : anglais
Editions : HarperCollins
Résum
é : In this ambitious book, Joyce Carol Oates boldly reimagines the inner, poetic, and spiritual life of Norma Jeane Baker—the child, the woman, the fated celebrity and idolized blonde the world came to know as Marilyn Monroe. In a voice startling, intimate, and rich, Norma Jeane tells her own story, that of an emblematic American artist—intensely conflicted and driven—who has lost her way. A powerful portrait of Hollywood's myth and an extraordinary woman's heartbreaking reality, Blonde is a sweeping epic that pays tribute to the elusive magic and devastation behind the creation of the great twentieth-century American star.

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Existe également en français

Titre : Blonde
Editions : Le Livre de Poche

Résumé"La Belle Princesse est condamnée à chercher dans les yeux des autres la confirmation de sa propre existence." Cette phrase résume bien la Marilyn étonnamment inédite que propose une grande dame de la littérature américaine. Il s'agit bien ici en effet de littérature : Joyce Carol Oates se glisse dans la peau de la star qu'elle interprète à sa manière, ignorant délibérément certains épisodes, en ajoutant consciemment d'autres. La star qu'on rencontre incarne avant tout une petite fille nommée Norma Jean, née de père inconnu, dans une famille frôlant la folie. Une jeune fille qui fit tout pour s'en sortir. Sans concession et admirablement raconté, le portrait fort et militant d'une grande actrice qui fut d'abord une femme victime d'un monde d'hommes. 

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Some books please us. Some books amuse us. 
And some books change us. 

And Blonde is one of the latter. 

This might be quickly described as a biography, but it is much more than that. 
If I were to put words on it, I would say it's a combination of a literary fiction, but also a game with reality, with a touch of myth deconstruction and an analysis of the limits of the human mind.
And this mixture forms an incredible, never-seen-before, unforgettable book, with surpasses even the concept of book, and becomes a true literary, human and sensorial experience. 

From the very first page and until the very last one, the reader gets lost and amazed by Oates' unique and whimsical writing. She manages to keep constant its interest towards the book during hundreds of pages, and even to increase it as the tension escalades and the ineluctable ending approaches. 

I had never seen before an author master to that level the art of shifting between different points of vue, by creating some, combining others, sometimes leaving unclear who exactly is speaking, but always managing to reach the right level of emotion, the essence of the character, the exact thing the narrator means. And that's what's most difficult in this weird job of writing fiction. Getting it. The desperation, or the hope. Anger, vertigo, disorientation, dizziness, euphoria, it's all there, in those poetic and almost magical words that might come from Norma Jeane herself, from God, from the devil, from this annoying voice in her head, from Death, from anyone. 

I had never rooted with such passion for a character before whilst knowing he's on the road to his own ruin. I had almost never felt so deep and so hard for an individual whose story took place miles and decades away from me, whom I share so little with, whom I would never have been able to meet. But still, I was with her, I followed her in health but mostly in sickness, I lamented her - multiple - poor decisions, I was under the impression that I understood her in her entirety, that I was beyond the legend that has been built around her, that I had transcended the myth to grasp the human being. 
And that's thanks to Oates' mastery. 

The book perfectly unravels Marilyn's life at both a microscopical and a macroscopical level:  her intimity, and the system around her, the machinery that will absorb her name, her past, and then her health and her individuality. It's terrifying. It's fascinating. 

I'm not afraid to say it's one of the best novels I have ever read, and I already know I will reread it in the future. Blonde was a revelation to me, both as a reader and as an aspiring writer. Never before had I experience such an immersion, such a violence withing a book also, and such involvement from an author in his own work. This book bursts with passion and sin, grandeur and dishevelment, sublime and horror. 

Blonde was a tremendous bet, and not only did it win it, but it even surpassed it. This is fiction, yes, but it sounds so right, so cleverly-crafted at all points that when closing it, one cannot but believe that's how it happened. 

Don't wait anymore. Drop everything. Read the damn book.

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Certains livres nous plaisent. Certains livres nous amusent. 
D'autres nous changent.
Et Blonde en fait partie. 

Blonde, c'est un roman imposant aussi bien par son sujet que par sa forme : une biographie romancée de l'icône qu'est devenue Marilyn Monroe, développée en près de 1000 pages dans une prose foisonnante et quasi chaotique. 

On pourrait s'arrêter au terme de biographie, mais Blonde est bien plus que cela, à la fois fiction littéraire, exploration des limites du réel, déconstruction d'un mythe et dissection minutieuse des méandres de l'esprit humain. Et tout cela forme un mélange aussi inédit que marquant, une véritable expérience littéraire, humaine et sensorielle. 

De la première à la toute dernière page, on est happé et troublé par la plume lyrique et quasi mystique d'Oates, qui parvient à maintenir une tension non seulement constante mais croissante au fur et à mesure que le dénouement inéluctable se rapproche. C'est une écrivaine au talent comme on en voit peu, notamment en ce qui concerne la maîtrise des différents points de vue, sans doute l'exercice le plus périlleux de ce drôle de métier qu'est écrire de la fiction. Elle parvient à la perfection à alterner entre différentes perspectives, à en créer, à laisser planer le doute sur l'entité qui s'exprime, mais surtout à saisir l'essence de chacune, ce qui la motive, ce qu'elle croit profondément. Elle saisit ça, ce qui compte, l'espoir ou le désemparement, l'euphorie ou les tréfonds de la dépression, l'angoisse, le vertige, elle les met dans ses mots déstabilisants mais toujours si justes, qu'ils viennent de Norma Jeane, de la petite voix dans sa tête, de Dieu, du diable, de la Mort, de n'importe qui. 

Il est également impressionnant de voir à quel point on s'attache à un personnage avec qui on ne partage rien, qui a vécu à des kilomètres et des décennies de soi, que l'on ne connaît pas et que l'on ne connaîtra jamais au-delà de la légende que les années ont forgé autour de lui. 
Et pourtant. 
Et pourtant le charme de la littérature opère, les mots font sens et donnent sens, et on est avec Marilyn - on est Marilyn ? -, on la soutient, on la supporte, on la perd, on la comprend au point de ne plus parvenir à imaginer que les événements aient pu se dérouler autrement une fois le livre refermé.  On a le sentiment de transcender la légende pour enfin atteindre l'être humain, Norma Jeane, ou Marilyn, l'actrice blonde, peu importe le nom qu'on lui donne, si fragile, si humaine, bien loin du monstre de beauté des néons et des affiches hollywoodiennes. On comprend surtout particulièrement bien son environnement, grâce au talent avec lequel Oates décortique aussi bien l'intimité de l'actrice que le système qui la surplombe et va petit à petit la vider de sa substance, en lui prenant son nom, son libre-arbitre, sa santé, sa raison de vivre. 

C'est terrifiant. C'est maîtrisé. C'est fascinant. 

Je n'ai pas peur d'affirmer qu'il s'agit de l'un des meilleurs romans que j'aie eu l'occasion de lire, et je sais déjà que je le relirai, pour sa richesse, sa complexité, l'impression qu'il a fait sur moi. Blonde agit comme une révélation, révélation du réel, révélation artistique, mystique presque, un récit débordant de passion, de pouvoir, de folie douce ou furieuse, d'une violence saisissante, de dévouement de la part de son auteure. Grandeur, décadence, beauté, perte, tout se mêle, se sublime et se dégrade. C'était un pari risqué, mais ô combien réussi, et ce d'une façon ô combien intelligente. 

Qu'est-ce que vous faites encore là ? Allez, on lâche tout, et on va lire cette merveille.


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